"Un discours enivrant de toute puissance"
Edouard, 46 ans, était directeur financier dans la filiale française d’une multinationale américaine. « Mon boss me demandait de faire des tableaux de chiffres d’affaires prévisionnel avec 30% de croissance qu’il vendait ensuite aux actionnaires et au comité exécutif. C’était déconnecté de la réalité sur le terrain. Comment je le savais ? Parce que pour vendre dix affaires, il en fallait cent en cours et nous ne les avions pas.
Quand je disais à mon boss que nous allions droit dans le mur, il me parlait de ma trop grande prudence de directeur financier, il disait que j’étais trop frileux. Il était dans le déni. Il était dans son bureau avec ses chiffres, coupé de la réalité avec un discours enivrant de toute puissance. Sa certitude frisait la folie. Il pensait qu’il était le meilleur et personne ne se confrontait à lui, sauf moi.
En janvier, en se basant sur ses tableaux, il a lancé un plan de recrutement de cent consultants. Au mois d’avril, l’entreprise s’est aperçue qu’elle n’avait pas fait les résultats escomptés. J’en ai profité pour lui dire d’arrêter les recrutements. Il ne m’a pas écouté. Cela me rendait malade. Pendant six mois, j’ai travaillé jour et nuit pour essayer de lui prouver rationnellement son erreur. J’étais à la limite du burn out. Je me détruisais.
Fin mai, avant la clôture du deuxième trimestre, nous ne remontions toujours pas. Il a alors licencié ceux qui étaient encore en période d’essai. Et quand fin juin, les résultats sont tombés, le comité exécutif a été obligé de faire un plan de licenciement. Mon boss en a profité pour me virer. Depuis, je rencontre souvent la même histoire autour de moi.
Edouard